Auto-Entrepreneur : Attention aux travers du salariat déguisé

Actualité du régimeActualités Par Ludovic Badeau - Posté le 3 juin 2015 - Consulté 19132 fois

Qu'on se le dise : le régime auto-entrepreneur ne peut et ne doit pas se substituer au salariat. Un point qu'a omis une salle de sport préférant inviter son homme de ménage à se mettre auto-entrepreneur plutôt que de lui proposer un contrat de travail. Explications.
 


Attention, si vous êtes auto-entrepreneur et qu'il paraît évident que vos conditions de travail font clairement davantage penser à celles d'un salarié plutôt qu'à celles d'un indépendant, ne tardez pas à réagir. Le régime entrepreneur n'est pas fait pour remplacer le contrat de travail. Une salle de sport l'a appris à ses dépens.

Fermeture provisoire pour avoir employé une personne
en qualité d’auto-entrepreneur dans les conditions du salariat

Lourde sanction pour le club de sport pourtant en grande difficulté financière. La justice, pas émue par la fragilité économique de l'établissement, a ordonné sa fermeture pour une durée de 15 jours considérant que celui-ci avait volontairement abusé du régime auto-entrepreneur pour éviter de salarier un agent d'entretien.

La présomption de non-salariat renversée

Si à la base l'auto-entrepreneur est de fait considéré comme un indépendant et qu'il revient à la charge de la justice d'apporter la preuve que ce n'est pas la cas, il est parfois simple de prouver qu'un individu devrait être en réalité salarié. Dans le cas présent, l'homme de ménage auto-entrepreneur et le gérant de la salle de sport ne pouvaient nier que les prestations étaient rendues dans les conditions du salariat et plus précisément car l'homme de ménage :

- n'avait qu'un seul et unique client : la salle de sport ;
- ne disposait pas de son matériel et utilisait celui fourni par la salle ;
- obéissait directement et quotidiennement aux ordres du gérant de la salle (rapport de subordination) ;
- devait respecter des horaires cadrés comme pour un salarié ;
- n'avait pas produit de contrat de prestation relatant suffisamment la consistance du service à rendre.

Ces éléments réunis ne laissent nul doute sur le fait que l'homme de ménage travaillait dans les conditions d'un salarié... sans contrat de travail. 

Le régime auto-entrepreneur suggéré par la société

En plus des faits évoqués ci-dessus, l'homme de ménage a reconnu que le choix du régime auto-entrepreneur lui avait été suggéré par la gérant de la salle de sport. Une déclaration qui finira de convaincre la justice que le prestataire n'était autre qu'un salarié non déclaré. 

Pour sa défense, la société a produit une attestation de l’homme de ménage démontrant qu’il avait «volontairement choisi le régime d’auto-entrepreneur». Une tentative qui n'aura pas convaincu la justice.

Travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié

Sans surprise, et malgré ses recours, le société exploitante de la salle de sport a donc été lourdement sanctionnée au motif de travail dissimulé et a notamment dû fermer 15 jours, représentant un manque à gagner important pour une entreprise déjà au bord de la liquidation judiciaire. 

Clients et Prestataires ne doivent pas confondre
salariat et indépendant 

C'est ce que rappellent les faits évoqués ci dessus, l'auto-entrepreneur doit exercer dans les conditions d'un indépendant. Quelques points essentiels sont donc à mettre en application pour ne pas tomber dans les travers du salariat déguisé :

- Utiliser son propre matériel : le client n'est pas censé fournir les outils de travail à son prestataire ;
- Éditer un contrat de prestation : l'édition d'une lettre de mission est le strict minimum, mais un contrat est préférable. Il s'agit d'un contrat de prestation de service ;
- Avoir plusieurs clients : dans l'idéal, ou au moins démontrer que l'on prospect pour conquérir de nouveaux clients ;
- Éviter au maximum de travailler chez le client : surtout s'il s'agit d'une entreprise. L'auto-entrepreneur est censé être autonome, indépendant, notamment s'agissant de son lieu d'exercice. 
- Définir ses horaires, ses vacances : naturellement, un indépendant est libre de définir ses horaires, ses congés. 
- Être globalement autonome et non soumis à un rapport de subordination : plus facile à dire qu'à faire. Bien souvent, un indépendant est davantage soumis à son client – qu'un salarié- par peur constante de le décevoir et donc de le perdre. Et pourtant, le client ne doit pas agir comme une sorte de supérieur hiérarchique. 

(liste non exhaustive) 

Si les conditions évoquées ci-dessus vous semblent compliquées à tenir, prenez le temps de vous interroger sur votre statut. 

Rappelons qu'en 2013, l'inspection Générale des Finances avait conclu que l'utilisation de régime auto-entrepreneur en lieu et place du contrat de travail était "un épiphénomène", ainsi, seuls 2% à 3% des auto-entrepreneurs devraient être salariés par leur client.

Article réalisé avec le Fédération des Auto-Entrepreneurs