Auto-entrepreneur & salariat déguisé : cible de la Cour des Comptes

Actualité du régimeActualités Par Ludovic Badeau, fondateur et directeur d'Evo'Portail - Posté le 17 septembre 2014 - Consulté 142537 fois

Ce n'est pas une découverte : beaucoup d'entreprises cherchent des moyens pour éviter le contrat de travail classique, trop contraignant, pas assez flexible. Un manque de flexibilité dont les premières victimes sont les chômeurs. Ces entreprises qui cherchent à contourner des règles du travail rigides et son coût, usent de moyens divers. Parmi les alternatives au contrat classique, le contrat d'indépendant. C'est notamment ce que dénonce la Cour des Comptes dans son dernier rapport sur la Sécurité sociale, publié mercredi 17 septembre 2014. Explications.

Pour la Cour des Comptes, aucun doute, la Sécurité Sociale passe à côté de beaucoup d'argent : entre 20,1 et 24,9 milliards d'euros rien que pour l'année 2012. Et pour cause, beaucoup de travailleurs exerceraient avec un autre statut que celui de salarié -rattaché à la France-, alors qu'ils devraient bien l'être. Parmi les pratiques dénoncées : l'utilisation de l'auto-entreprise en lieu et place du salariat. Une situation qui demanderait, d'après la Cour, de renforcer les contrôles à destination des auto-entrepreneurs.

La Fédération des auto-entrepreneurs appelle à lutter contre le salariat déguisé

Pour la FEDAE, « les auto-entrepreneurs sont des personnes responsables » mais elle dénonce aussi « l'utilisation faite du régime à des fins qui ne sont pas les siennes » et « appelle l'Etat à prendre les mesures nécessaires pour contrôler (…) les formes d'irrégularités (…) et à engager les moyens nécessaires sur le terrain pour y mettre un terme. ». C'est ainsi que la Fédération a réagi au rapport de la Cour des Comptes, par voie de communiqué de presse. Contacté par téléphone, le Président de la Fédération des auto-entrepreneurs explique : « Ne mettons pas tous les auto-entrepreneurs dans le même panier et ne stigmatisons pas les entreprises qui les font travailler. Il faut cependant être vigilant, l'auto-entreprise ne peut en aucun cas se substituer à un contrat de travail. Il faut donc informer, contrôler et sanctionner les abus. Il est aussi bon de rappeler que ce phénomène reste largement minoritaire, d'où l'importance de ne pas faire de généralité ! Une majorité d'auto-entrepreneurs, et d'entreprises qui font appel à eux, sont dans les règles. J'aime aussi rappeler que cette forme juridique d'entreprise individuelle a permis de redonner une activité à plus de 300.000 personnes initialement inscrites à Pôle Emploi. Ce régime est donc bien largement un bon dispositif et les abus ne doivent pas provoquer une remise en cause globale ou une stigmatisation. Il y a des abus partout, et il y en aura toujours, dans tous les domaines, c'est ainsi ! ».

Comment être sûr d'être dans les règles ?

Ce rapport ne doit ni freiner les auto-entrepreneurs ni leurs clients. Comme nous l'avons souvent rappelé ici, il existe des règles de base à respecter. Celles-ci, bien appliquées, permettent de démontrer que l'auto-entrepreneur est bien dans un contexte d'indépendant non comparable au salariat :

- Utiliser son propre matériel : le client n'est pas censé fournir les outils de travail à son prestataire. - Éditer un contrat de prestation : l'édition d'une lettre de mission est le strict minimum, mais un contrat est préférable. Il s'agit d'un contrat de prestation de service. Si vous disposez d'une assistance ou d'une protection juridique, chez Evo'Portail par exemple, vous pouvez vous faire aider dans l'élaboration de celui-ci. - Avoir plusieurs clients : même si cela n'est pas évident au début, l'auto-entrepreneur n'est pas censé s'enregistrer pour répondre à la demande d'un seul et unique client. D'autant plus s'il s'agit d'une entreprise. Trouver des clients n'est pas toujours simple et il serait assez inattendu (même si certains de nos politiques y ont déjà surement pensé), d'interdire à l'auto-entrepreneur de n'avoir qu'un seul client au bout d'un temps défini. Ce qui est sûr, c'est que s'il n'en a qu'un, l'auto-entrepreneur doit pouvoir démontrer qu'il en cherche d'autres, qu'il est dans une logique de développement. - Éviter au maximum de travailler chez le client : Surtout s'il s'agit d'une entreprise. L'auto-entrepreneur est censé être autonome, indépendant, notamment s'agissant de son lieu d'exercice. - Définir ses horaires, ses vacances : Naturellement, un indépendant est libre de définir ses horaires, ses congés. En fait, il est censé être missionné, avoir un objectif à atteindre. Point. Les moyens qu'il met en œuvre pour les atteindre (temps de travail par exemple), ne regardent pas franchement le client. - Être globalement autonome et non soumis à un rapport de subordination : Plus facile à dire qu'à faire. Bien souvent, un indépendant est davantage soumis à son client – qu'un salarié- par peur constante de le décevoir et donc de le perdre. Et pourtant, le client ne doit pas agir comme un employeur. Même si c'est lui qui fixe les objectifs et qu'il est naturellement en position de force, il ne peut quotidiennement vous encadrer. Si les conditions évoquées vous semblent compliquées à tenir, c'est peut-être que vous ne devriez pas être auto-entrepreneur mais bien salarié. L'auto-entrepreneur est un indépendant et doit fonctionner comme tel.

Un vieux débat

Le rapport de la Cour des Comptes ne soulève pas un nouveau débat, en fait, depuis plusieurs années les détracteurs de l'auto-entreprise utilisent l'argument du salariat déguisé pour attaquer ce régime. Ce qui est nouveau, c'est que ce rapport apporte des recommandations concrètes pour développer les contrôles de façon importante. Pour finir, rappelons que la question du salariat déguisé a été qualifiée d'épiphénomène par l'IGF (Inspection Générale des Finances) et l'IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales), en avril 2013. Les auto-entrepreneurs dans les règles seraient donc largement majoritaires !